Les discriminations liées à l’origine & la maîtrise d’une langue autre que le français
Quels sont les principaux types de discrimination et de biais liés à l’origine et la maîtrise d’une langue autre que le français dans les offres d’emploi ?
Types de discrimination juridique fondée sur l’origine :
- Nationalité
- Langue maternelle
- La capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français
Type de biais liés à l’origine :
- Utilisation de certains termes polysémiques
Qu'est-ce qu'une discrimination juridique ?
« En droit, une discrimination est un traitement défavorable qui doit généralement remplir deux conditions cumulatives : être fondé sur un critère défini par la loi (sexe, âge, handicap…) ET relever d'une situation visée par la loi (accès à un emploi, un service, un logement…). (…) Ainsi, défavoriser une personne en raison de ses origines, son sexe, son âge, son handicap, ses opinions... est interdit par la loi et les conventions internationales auxquelles adhère la France. »¹
Dans le cadre de ces fiches pratiques nous avons inclus dans les discriminations juridiques tous les propos punis par la loi.
La loi reconnait 25 critères de discrimination.
Qu’est-ce qu’un biais ?
« Rien de plus normal que d’avoir des biais cognitifs… ce sont bien eux qui nous permettent d’être réactifs et "en pilotage automatique" sur certaines actions !
Toutefois, ils peuvent aussi nous faire prendre des mauvaises décisions si on ne se donne pas la peine de les maitriser dans l’exercice de notre fonction de recruteur : rien de mieux que de les connaitre pour les identifier et les neutraliser de suite. »²
Dans le cas de cette fiche pratique, les biais cités ne sont pas légalement punis mais peuvent cependant induire une perspective moins engageante pour certains candidats, qui hésiteront donc à candidater malgré leurs compétences.
Dans le cadre de la rédaction des offres d’emploi, les biais peuvent être notamment des biais liés aux stéréotypes et à la généralisation lorsque l’on va utiliser certains termes pouvant, sans qu’on le veuille, favoriser certains groupes et être excluants envers d’autres (demander à avoir « une bonne moralité », demander à « s’adapter à la culture de l’entreprise » ou à être « dynamique », n’utiliser que des adjectifs spécifiquement connotés masculins ou féminins, utiliser un jargon d’entreprise, utiliser le tutoiement, demander un CV avec photo…).
Dans le cadre de ces fiches pratiques nous avons inclus dans le terme de biais les propos qui ne sont pas punis par la loi mais qui sont déconseillés et peu inclusifs.
N'hésitez pas à consulter le rapport du Haut Conseil à l'égalité - Pour une communication publique sans stéréotypes de sexe.
Comprendre le cadre légal concernant l’origine
A-t-on le droit de demander une origine ou une nationalité spécifique pour le-la candidat-e ?
Il existe cependant deux exceptions, et uniquement dans le cas de la demande de la nationalité. Cette demande est autorisée uniquement dans deux cas très spécifiques :
- Le premier est lorsque le poste exige une habilitation secret défense où la nationalité française (ainsi que d’autres nationalités) peuvent être exigées. De plus, dans le cas des habilitations secret défense exclusivement, il faut préciser dans l’offre que « le site ou le poste nécessitent d’obtenir une habilitation dont les contraintes sont les suivantes… ».
- Le second concerne la fonction publique : pour y accéder, le-la candidat-e doit avoir soit la nationalité française, soit une nationalité européenne s’il-elle souhaite être fonctionnaire, cependant il n’y a aucune contrainte concernant la nationalité du-de la candidat-e si il-elle souhaite être contractuel-l-e.
Il est également impossible de mentionner explicitement l’origine dans une offre d’emploi même dans une volonté de diversifier les origines au sein de ses effectifs. Il n’est pas recommandé d’utiliser des mots qui ciblent directement certains groupes et ne pas mentionner que vous êtes à la recherche de « personnes issues de minorités » ou encore de « personne issue de la diversité ».
Pour diversifier les origines de ses effectifs, il est cependant autorisé et conseillé, de mentionner dans votre offre d’emploi que votre entreprise est signataire d’une charte concernant la diversité/l’inclusivité si tel est le cas, ou de mentionner « la volonté d’implication de l’entreprise dans la diversité ou l’inclusivité », que « l’entreprise X est attachée à la mixité et à la diversité » ou encore que « La société X recrute et reconnaît tous les talents ».
De plus, vous pouvez diversifier votre « sourcing » de candidats en faisant appel à des associations pour qu’elles diffusent votre offre.
A-t-on le droit de demander une langue spécifique dans les offres d’emploi ?
Il est interdit d’exiger la pratique d’une langue (étrangère ou régionale par exemple) si elle n’est pas indispensable pour le poste. Il ne convient pas également de mentionner des expressions faisant référence indirectement à l’origine du candidat telles que « langue maternelle anglaise », « langue française d’origine ».
Cependant il est autorisé de mentionner la langue dans le cas où la pratique de certaines langues (étrangères, régionales) soient nécessaires et indispensables pour le poste. Il est donc possible de mentionner « anglais courant », « candidat parfaitement bilingue » seulement dans le cas où cette maîtrise est indispensable.
Comprendre les biais liés à l’origine
Est-il recommandé d’utiliser des termes polysémiques tel que « la culture » dans l’offre d’emploi ?
Il n’est pas illégal d’utiliser le terme « culture » lorsque vous parlez de la « culture de l’entreprise », « d’adaptation culturelle » ou des « valeurs de l’entreprise ».
Cependant il n’est pas recommandé d’employer ces termes dans le cadre de l’offre d’emploi, car ils sont polysémiques. Les expressions « cadre de l’entreprise », « profil de l’entreprise » ou encore parler de ce qui « caractérise » ou « définit » l’entreprise sont plus adaptés.
Vocabulaire contre les discriminations liées à l’origine
Vocabulaire illégal, à ne pas utiliser
Vocabulaire conseillé et à utiliser
Même pour diversifier les origines de ses candidat-e-s, il n’est à ce jour pas légal de dire « Nous cherchons exclusivement des candidats d’origine… » ou « issus de la diversité » ou « nous cherchons des minorités ».
Il est donc interdit de réserver un poste à une personne en fonction de ses origines réelles ou supposées (parfois associées à une religion réelle ou supposée). Inversement, il est évidemment illégal d’interdire un poste en raison des origines réelles ou supposées (ou de la religion) d’un.e candidat.e. Les expressions telles que « personne arabe, asiatique, blanche, indienne, maghrébine, noire interdite », « personne chrétienne, juive, musulmane interdite » ou encore « poste réservé à une personne arabe, asiatique, blanche, indienne, maghrébine, noire » sont sous tout type de formulation illégales et en aucun cas mentionnables.
De plus, vous pouvez diversifier votre « sourcing » de candidats en faisant appel à des associations pour qu’elles diffusent votre offre.
Vocabulaire excluant, à ne pas utiliser
Vocabulaire conseillé et à utiliser
« culture de l’entreprise » (si elle n’est pas précisée),
« d’adaptation culturelle » ou des « valeurs de l’entreprise »
« le cadre de l’entreprise »
« ce qui définit l’entreprise »
« le profil, les aspects, les missions, le but de l’entreprise »
« les attentes de l’entreprise »
« le fonctionnement de l’entreprise »
Rappel des bases légales concernant les discriminations juridiques liées à l’origine :
Le principe (concernant l'origine & la nationalité)
Article 225-1 du Code pénal : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques en raison de leur origine, […] de leur patronyme, […] de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée. »
Délibération CNIL n° 02-017 du 21 mars 2002 : « Aussi, la Commission estime-t-elle que, de manière générale, la collecte des informations suivantes n’est pas conforme à ces dispositions légales, sauf cas particuliers justifiés par la nature très spécifique du poste à pourvoir ou, le cas échéant, des règles en vigueur dans le pays étranger concerné par le poste : date d’entrée en France ; date de naturalisation ; modalités d’acquisition de la nationalité française ; nationalité d’origine, […] adresse précédente […]. »
Les exceptions
Concernant la nécessité d’une habilitation secret défense :
La nationalité française peut être demandée lorsque le poste exige une habilitation secret défense. Cependant, le ministère de la Défense a été interrogé sur les questions de l’origine et de la religion.
Dans une note publiée dans le Journal Officiel du Sénat du 16 décembre 2004 (p. 2890), le ministère de la Défense a par conséquent fait connaître sa position sur l’habilitation « secret défense ».
« Le recrutement d’un candidat par une entreprise sur un poste nécessitant l’habilitation « secret défense » implique la réalisation d’une enquête de sécurité sur l’intéressé et son environnement, dont l’objectif est de déterminer ses vulnérabilités potentielles. Les facteurs de vulnérabilité pris en compte au cours de cette enquête peuvent varier en fonction du profil des candidats, de l’évolution de la situation internationale ou des spécifications liées au poste.
Seuls les postes concernés par des marchés classés ou contenant une clause de sécurité liant l’entreprise à l’État nécessitent l’initialisation d’une procédure d’habilitation. Les services chargés de l’enquête répondent par un avis à la demande d’habilitation formulée lors de la passation de marché ou lors du recrutement d’un individu devant travailler dans le cadre de ce marché. La décision finale de délivrance de l’habilitation relève de l’autorité administrative responsable du marché passé avec l’entreprise. Dans le cas du ministère de la Défense, cette responsabilité incombe le plus souvent à la délégation générale pour l’armement. En tout état de cause, il n’existe pas de critères a priori, normés et permanents, permettant d’écarter un candidat sans enquête. Ainsi, aucun individu ne peut se voir refuser un poste nécessitant une habilitation « secret défense » en raison de ses origines ou de sa religion. »
Concernant la fonction publique :
Pour être fonctionnaire dans les 3 fonctions publiques, il faut être français ou européen. Les emplois dits de souveraineté ne sont, en revanche, accessibles qu’aux français.
Certains emplois sont toutefois accessibles par concours à tout candidat sans condition de nationalité. Il s’agit notamment des emplois de professeur d’universités et maître de conférences, médecin des établissements hospitaliers.
La condition de nationalité doit être remplie :
- au plus tard à la date de la 1re épreuve du concours,
- ou, s’il s’agit d’un concours avec examen préalable des diplômes, à la date de la 1re réunion du jury chargé de sélectionner les candidatures, sauf indications contraires dans le statut particulier du corps ou cadre d’emplois concerné.
Aucune condition de nationalité n’est exigée pour être recruté dans les 3 fonctions publiques. Les étrangers doivent toutefois être en possession d’un titre de séjour en cours de validité.